Réjean OBomsawin,
Chef spirituel Abénaki
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Cette entrevue a été réalisée dans un cadre d'enseignement avec une vision de guidance spirituel, de démocratie culturelle et de revitalisation de l'héritage.
Découvrez le Chef spirituel (Mdawlino), Réjean OBomsawin, Aîné traditionnel Abénaki.
HISTORIQUE
La spiritualité, telle que pratiquée par les Abénakis, a été remplacée au 17e siècle par la christianisation. Cette éducation religieuse de différentes confessions a eu des répercussions dans les communautés sur les traditions et la transmission de la spiritualité ancestrale.
Dans la culture de la nation Abénaki traditionnelle, il y a des sages appelés des Sôgmô et ceux ou celles qui officient les cérémonies, les Mdawlino.
CHEF SPIRITUEL ABÉNAKI "MDAWLINO"
Réjean OBomsawin a un rôle responsable de Chef spirituel Mdawlino (comparable à un officiant), de Sage, Guide spirituel, Porteur de calumet de la nation, Gardien des cérémonies, des traditions et des pratiques des peuples de l’Est qui a ramené les cérémonies à Odanak. Il est aussi un Aîné traditionnel de la communauté d’Odanak.
«Mon clan est celui de la Tortue (Tolba) qui a toujours été associé traditionnellement à une position de Chef (Sôgmo). Tandis que le héron (Kasko) est mon aide spirituel».
Odanak est composé de deux clans, celui de la Tortue et celui de l’Ours. «Je n’ai pas choisi mon totem, c’est lui qui m’a choisi. À mon humble avis, il n’y a pas d’opposition entre le catholicisme (la chrétienneté) et les croyances traditionnelles. Nous croyons tous en un être supérieur et pour nous, il se nomme Kchi Niwaskw, qui signifie Grand Créateur».
ENSEIGNEMENTS
Totem de la communauté
En ce qui concerne le totem de la communauté, c’est le symbole de l’Esturgeon (Kabassa) qui la représente auprès des autres nations de la grande confédération Wôbanaki. Le totem, tout comme l’aide spirituel, doit être respecté et honoré, car il fait partie intégrante des familles. Il est donc tabou d’être consommé.
«Kabassa est notre ancêtre selon les enseignements de la Confédération Wôbanaki. De par celui-ci, nous sommes les grands-pères des Blackfoot (Blood) en Alberta qui ont migré vers l’ouest, avant l’arrivée des Européens, pour protéger et garder les objets sacrés et les cérémonies au risque d’être détruits par les jésuites».
Rites traditionnels pratiqués
Plusieurs rites traditionnels sont toujours pratiqués dans la communauté Abénaki. Les rites Abénaki sont simples, ils ne contiennent pas de longues prières.
Réjean OBomsawin conseille de commencer en douceur pour éviter d’être effrayé lors des premières expériences. Il est préférable de participer non seulement aux rites et aux enseignements, mais aussi à leur préparation par exemple, lors de la construction de la loge de sudation.
«Il faut entrer dans la loge avec un sens d’humilité et de grand respect.»
La cérémonie débute lors de la construction jusqu’au moment de la deuxième partie qui consiste à allumer un feu sacré, faire chauffer les pierres et pénétrer dans la loge afin d’être en présence de Kchi Niwaskw et des Ancêtres pour prier.
Quant à la cérémonie de la tente tremblante, elle se pratique dans l’Est et était pratiquée par la nation Abénaki dans le passé. Réjean OBomsawin l’associe à une forme de justice, mais ne peut pas élaborer davantage puisqu’il s’agit d’une démarche sacrée qui est discutée principalement lors d’une cérémonie dans un contexte et un protocole précis.
Mode de vie traditionnel
Il existe quatre vœux fondamentaux dans la spiritualité Abénaki qui sont enseignés par le Mdawlino Réjean OBomsawin lors d’une cérémonie du Nom spirituel.
M. OBomsawin souligne l’importance de faire face à une solitude qui accompagnera ces vœux et insiste pour dire que cette voie ne s’adresse pas qu’aux autochtones, mais à toutes les cultures. «En suivant cette route, nous devenons de plus en plus réceptifs aux signes qui nous renseignent sur les meilleurs choix dans notre vie». Il faut être près de la nature, mais il ne croit plus réellement possible le retour au mode de vie ancestral.
«Il est impératif de bien connaître tout rituel avant de s’y adonner». Il recommande d’être sensible aux signes, d’être à l’écoute de ses intuitions, et il mentionne que «rien n’arrive pour rien». Il ne croit pas aux mauvais sorts et affirme que les gens qui y croient nourrissent eux-mêmes leur malheur. Pour les gens sensibles aux mauvaises énergies, il propose de purifier les lieux de leur entourage en brûlant de la sauge et du foin d’odeur, ce qui attire les bonnes énergies. Pour lui, la spiritualité doit être un mode de vie et non une activité occasionnelle. Il conseille d’être ouvert aux médecines traditionnelles, même si la médecine moderne en ignore souvent les principes.
«Même si notre langue n’est plus parlée comme au temps de nos grands-parents, notre philosophie et nos valeurs demeurent le lien entre nous et nos ancêtres et le fait de les perpétuer est un signe de grand respect pour nos ancêtres».
Objets sacrés utilisés
Réjean OBomsawin fabrique des tambours, au besoin, bien que, traditionnellement, les Abénakis utilisaient plutôt la crécelle.
Il considère ces instruments sonores comme des objets d’une grande puissance avec lesquels «on ne joue pas sans avoir de connaissances».
Il a fait partie pendant plusieurs années d’une troupe de danse Abénaki et, pendant quelque temps, d’un groupe de chanteurs au tambour (Sigwani Awassos) qui n’existe plus aujourd’hui, car les principaux chanteurs Aînés sont décédés.
Certaines pratiques sont réservées aux autochtones, par exemple, un non-autochtone ne devrait pas se servir d’un calumet, à moins d’avoir reçu des instructions d’un Aîné traditionnel lors d’une cérémonie prévue à cette fin. Ce genre d’objets méritent un grand respect, car s’ils sont mal utilisés, il peut y avoir des conséquences regrettables. «Dans mon cheminement, j’ai attendu patiemment les signes pour pouvoir utiliser mon calumet. Suite aux instructions reçues de mon maître guérisseur, feu David Gehue, je suis devenu le Porteur de calumet de ma nation». Il y a plusieurs types de calumets, tous destinés à un usage bien précis. La danse du calumet est un souvenir d’enfance très solennel qui est relié étroitement à l’enseignement de l’utilisation du calumet transmis par la nation des Renard, au 17e siècle, se souvient-il. Cette danse est maintenant considérée comme une danse folklorique départie de tout sens du sacré. «J’espère qu’un jour cette pratique reviendra, comme dans le passé, notre manière de prier au créateur». Les crécelles et les tambours sont deux autres objets utilisés dans les rites abénaquis. Certains instruments sonores, de même que les herbes et le calumet de cérémonie, sont communs à toutes les nations. Le foyer du calumet, dans lequel on insère le tabac pour fumer, est fait en pierre et représente la terre mère, tandis que le chalumeau en bois représente les arbres. Dans le cercle de vie Abénaki, il y a quatre étapes soit : la naissance, l’adolescence, l’adulte et l’aîné.
APPRENTISSAGE
Première cérémonie
«Au tout début de mon apprentissage, j’eus l’honneur d’être invité par feu Monique Sioui à participer à ma première cérémonie du calumet à son domicile familial, voisin de la maison de mes parents. L’officiant, feu M. Arthur Solomon, un Ojibwé de la Baie Georgienne en Ontario, m’expliqua comment se déroulera cette cérémonie en mémoire de feu Guy Sioui, celui-là même qui fabriqua le calumet dont je me sers pour les cérémonies et qui arbore les clans et le totem de notre nation».
«Lors de cette cérémonie, j’ai eu l’honneur de recevoir des présents de l’Aîné pour avoir participé à cette cérémonie et aussi recevoir des instructions personnelles à accomplir dans les années à venir. Quelques années plus tard, étant apprenti de feu David Gehue, celui-ci m’expliqua la signification et l’importance de ces présents de M. Solomon».
Réjean OBomsawin a côtoyé des Aînés qui avaient une grande connaissance de leur peuple, de leur histoire et de leur culture.
Retour aux sources
En 1987, il choisit de faire un retour aux sources, inspiré par la commémoration du massacre perpétré par l'attaque des Rangers de Rogers, survenu à Odanak en 1759. Des cérémonies se sont étalées de 1987 à 1991. Plusieurs nations y ont participé, notamment les Cris. Un Porteur de calumet et Gardien de loge de sudation de la nation Lakota est venu du Dakota pour les guider.
«Tous ensemble nous avons libéré nos ancêtres et aidé notre nation à renouer avec la tradition. Lors de la dernière loge de sudation nous avoir reçu, à ce moment, le signe que ces ancêtres étaient maintenant en paix. En gardant un respect de tous ceux qui ont péri, en 2019, nous avons prié pour ceux qui nous ont attaqués et qui ont péri».
Écouter la parole des Aînés
«En janvier 1991, David Gehue, un guérisseur Miq’maq de Shubenacadie en Nouvelle-Écosse, me suggéra de remplacer l’enseignement des Lakotas et de recommencer à zéro en me basant sur des rites propres aux nations Wôbanaki».
Lors de la préparation de l’hommage aux ancêtres de 1987, M. OBomsawin se rend chez M. Adrien Panadis, un ami d’enfance de son père Albert OBomsawin, qui lui explique que les pratiques traditionnelles, comme la loge de sudation, se pratiquaient dans les bois par son père, évitant ainsi les risques de frictions avec le clergé.
«Dans ma jeunesse, j’ai bien connu Théophile Panadis et plusieurs autres aîné(es) de qui j’ai appris la culture et les traditions Abénaki. Pour ce qui est des légendes, je les tiens de mon père et de mon grand-père, ainsi que d’autres parents et aînés de la communauté».
TRANSMISSION
Il participe à divers événements de la communauté en tant que Chef spirituel et Porteur de Calumet.
Son nom est parfois cité dans la presse par ses pairs en terme spirituel, notamment dans un article paru lors d'une entrevue avec sa cousine, l'Honorable Michelle O'Bonsawin (nov. 2022). Il est aussi cité dans les articles d'universités.
En tant qu'Aîné et orateur chevronné de la culture autochtone Abénaki depuis près de 40 ans et reconnu par ses pairs traditionnels, il transmet ses Enseignements et ses Savoirs par l'entremise de son propre centre culturel et éducatif, Enseignement Abénaki, qu'il a fondé en 2019.
Il enseigne actuellement au grand public ainsi qu’aux groupes et entreprises de différents horizons qui désirent apprendre et apprécier cette richesse culturelle traditionnelle de la nation Abénaki.
CONCLUSION
Le rôle de M. Réjean OBomsawin, Chef spirituel Mdawlino, (guide spirituel) est grandement important afin de préserver et transmettre les traditions spirituelles.
En tant qu'Aîné traditionnel, il représente la mémoire des Ancêtres autant dans la communauté d'Odanak que partout où il est invité.
Jacinthe Laliberté
Rédactrice web
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